UEMOA : le Burkina Faso affiche 89 % de mise en œuvre de ses réformes communautaires

Le Burkina Faso accueille la 11ᵉ revue annuelle des réformes, politiques, programmes et projets communautaires de l’UEMOA. Une rencontre stratégique pour renforcer l’intégration régionale et mesurer les progrès du pays, salué pour son taux record de mise en œuvre.

La capitale burkinabè a accueilli, ce mercredi 5 novembre 2025, l’ouverture officielle des travaux de la revue technique des réformes, politiques, programmes et projets communautaires de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). La cérémonie, présidée par Adiara Wendpanga Ouédraogo/Soré, directrice du portefeuille de l’État, représentait le ministre de l’Économie et des Finances. Elle s’est tenue en présence d’Adebayo Samson Balogoun, directeur des transports et chef de la délégation de la Commission de l’UEMOA pour la revue 2025 au Burkina Faso.

Le Burkina Faso réaffirme ainsi son engagement pour une intégration sous-régionale renforcée. En accueillant la 11ᵉ édition de cette revue annuelle, du 5 au 7 novembre 2025, le pays démontre sa volonté de consolider la résilience économique et d’améliorer les conditions de vie dans la zone UEMOA.

Représentant le ministre, Mme Ouédraogo/Soré a salué la collaboration continue de la Commission pour la mise en œuvre des politiques sectorielles et la promotion du bien-être des populations. Elle a exprimé la gratitude du gouvernement burkinabè pour l’accompagnement constant de l’Union dans la modernisation de l’économie nationale.

145 textes et 12 milliards de FCFA à l’examen

Les travaux portent sur 145 textes réglementaires et trois programmes d’un montant global de plus de 12 milliards de francs CFA. Les discussions se concentrent sur la gouvernance économique, le renforcement du marché commun et le suivi des politiques sectorielles. Ces réformes doivent doter les États membres d’outils modernes pour relever les défis économiques mondiaux.

« Les réformes sont une réponse pertinente et un levier essentiel pour s’adapter aux mutations économiques », a rappelé Mme Ouédraogo/Soré. Pendant trois jours, les experts examineront les progrès réalisés, avec à la clé un mémorandumadressé au gouvernement et au président de la Commission avant la phase politique.

Un taux de mise en œuvre record : 89 %

Selon la revue 2024, le Burkina Faso a atteint 88,99 % de mise en œuvre des réformes communautaires, contre 86,15 % en 2023, soit une hausse de 2,84 %. Une progression saluée par la représentante du ministre, qui a félicité les experts nationaux pour leur rigueur et leur engagement.

Une intégration régionale en marche

Pour sa part, Adebayo Samson Balogoun a salué la qualité de l’accueil et l’implication du Burkina Faso dans le processus d’intégration. Il a souligné l’importance de la revue annuelle comme un outil de suivi et d’émulation entre les États membres, contribuant à harmoniser les législations et à renforcer les projets intégrateurs.

Cette dynamique, a-t-il ajouté, témoigne de la solidité du mécanisme mis en place par la Commission depuis une décennie. Les conclusions seront consignées dans un mémorandum qui servira de base à la phase politique prévue en 2026.

Un engagement collectif pour l’avenir

En clôture, Mme Ouédraogo/Soré a exhorté les participants à poursuivre sur la voie de l’excellence et a réaffirmé la détermination du Burkina Faso à demeurer un modèle de mise en œuvre des réformes communautaires. Elle a transmis les salutations du gouvernement au président de la Commission, Abdoulaye Diop, avant de souhaiter plein succès aux travaux.

Instituée en 2013, la revue annuelle de l’UEMOA reste un mécanisme clé d’évaluation, permettant d’identifier les avancées et les priorités dans la marche vers une intégration régionale durable et inclusive.

« Consommer local : l’UEMOA mise sur la transformation pour bâtir sa compétitivité »

Ouagadougou accueille la 6ᵉ édition du « Mois du consommer local ». L’UEMOA y plaide pour transformer ce principe en un levier économique, en misant sur la qualité, la transformation des matières premières et l’innovation numérique.

 

Les activités de la 6ᵉ édition du « Mois d’octobre, mois du consommer local » ont démarré le 1ᵉʳ octobre 2025 au Burkina Faso. À Ouagadougou, ce 2 octobre, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a organisé une conférence placée sous le thème : « Consommer local, facteur de développement des chaînes de valeurs régionales compétitives de l’UEMOA ».

Les échanges ont mis en lumière l’urgence de voir émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs capables de transformer les matières premières locales en produits compétitifs et accessibles, tant sur les marchés régionaux qu’internationaux.

Selon le panéliste Sa Sylvanus Traoré, consommer local ne doit pas se réduire à un simple slogan, mais devenir un véritable acte citoyen. Pour lui, consommer local, c’est privilégier les produits de l’espace UEMOA et du continent africain. « Si vous voulez que les gens consomment local, il faut produire de la qualité. C’est une exigence à laquelle chaque transformateur doit répondre. Les producteurs doivent aussi veiller au respect des normes pour offrir des matières premières adaptées aux besoins des populations », a-t-il affirmé. Il considère cette démarche comme un enjeu majeur de développement, invitant à la création d’unités industrielles pour transformer davantage de matières premières sur le continent et réduire les importations.

De son côté, le Pr Filiga Michel Sawadogo, commissaire à l’UEMOA, a souligné que consommer local ne se limite plus à acheter les produits de son pays, mais revient à s’impliquer dans la construction d’un écosystème économique régional intégré et performant. « La consommation locale est un moteur puissant de transformation économique inclusive et durable, qui fera de l’Union un acteur de poids dans l’économie mondiale. Nos ambitions nécessitent le recours à des technologies numériques innovantes, à la traçabilité digitale des produits, à la logistique intelligente et aux plateformes régionales de e-commerce, afin d’optimiser la production et la commercialisation, notamment pour les PME. Une mobilisation coordonnée des États, des acteurs économiques et des partenaires financiers est essentielle pour développer des financements adaptés », a-t-il déclaré.

La Commission rappelle avoir initié plusieurs réformes communautaires et réalisé des infrastructures économiques de grande envergure au profit des États membres, contribuant ainsi à faire de l’UEMOA une référence en matière d’intégration régionale. « Les performances économiques de notre union en 2024 illustrent une forte résilience, avec une croissance de 6,3 % contre 5,2 % en 2023, et une inflation maîtrisée à 3,5 % qui devrait encore reculer », a précisé Pr Sawadogo.

Cependant, il a tenu à souligner le paradoxe derrière ces bons résultats : « L’Union dispose de ressources abondantes comme le coton, le cacao, l’or ou encore l’uranium, qui représentent près de 59 % des exportations. Nos terres fertiles pourraient garantir la sécurité alimentaire des populations. Pourtant, nos unités de transformation manquent souvent d’approvisionnement en matières premières et doivent se tourner vers des importations onéreuses. Cette situation freine la création de valeur ajoutée et pèse sur nos économies. »

Pour y remédier, la Commission a adopté un plan stratégique 2025-2030, baptisé « Impact 2030 ». Celui-ci s’articule autour de cinq axes : la mise en place d’écosystèmes de production, le développement d’infrastructures économiques de soutien à la compétitivité, la promotion du développement humain et de la citoyenneté, le renforcement de l’intégration régionale et la modernisation de la gouvernance institutionnelle.

Pr Sawadogo a conclu en appelant les entreprises de transformation à renforcer la qualité de leurs produits afin que les Burkinabè et, plus largement, les Africains privilégient davantage les produits locaux.

Burkina Faso : Les intérêts sur les emprunts obligataires UEMOA désormais imposables à partir du 1er août 2025

À compter de ce Vendredi, les intérêts générés par les emprunts obligataires émis dans l’espace UEMOA seront soumis à l’impôt sur les bénéfices au Burkina Faso. Cette réforme marque la fin de l’exonération systématique qui était jusque-là appliquée de fait, sans ancrage légal clair.

 

La décision a été officialisée par une circulaire du ministre de l’Économie et des Finances, Dr Aboubakar Nacanabo, signée le 23 juin 2025. Elle s’inscrit dans la mise en œuvre de la Directive n°01/2008/CM/UEMOA, qui prévoit l’exonération des intérêts des emprunts obligataires émis par les États membres. Toutefois, cette disposition n’avait jamais été formellement transposée dans le droit fiscal burkinabè. Résultat : une exonération pratiquée dans les faits, mais juridiquement fragile, ayant généré un manque à gagner fiscal pour le Budget national. Ce qui change à partir du 1er août 2025.

Désormais, les intérêts perçus sur les nouveaux emprunts contractés à partir du 1er août 2025, émis par d’autres États de l’UEMOA (Côte d’Ivoire, Sénégal, Niger, etc.) ou leurs collectivités territoriales, seront imposables au Burkina Faso. En revanche, les titres émis par l’État burkinabè ou ses démembrements (collectivités locales, établissements publics, etc.) restent exonérés.

 Autrement dit : Si vous prêtez à l’État burkinabè, vous restez exonéré d’impôt sur les intérêts. Si vous prêtez à un autre État de l’UEMOA, vous serez imposé sur les intérêts générés. Il faut noter que cette mesure ne s’applique pas rétroactivement : les emprunts contractés avant le 1er août 2025 restent soumis à l’ancien régime.

La CNAVC s’insurge : Il s’agit d’une discrimination politique injustifiée !

La section du Kadiogo de la Coordination nationale des associations de veille citoyenne (CNAVC) a tenu une conférence de presse ce 19 juillet 2025  à Ouagadougou pour dénoncer l’attitude de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Au cœur des échanges : le refus de l’institution régionale de confier la présidence du Conseil des ministres au représentant burkinabè.

 

«Rien ne justifie cette mise à l’écart si ce n’est une volonté manifeste d’isoler notre pays»

 

Le point de départ de la déclaration publique remonte à un épisode récent au sein de l’UEMOA. Le ministre de l’Économie, des Finances et de la Prospective du Burkina Faso, proposé à la tête du Conseil des ministres de l’Union conformément au principe de rotation, n’a pas été désigné. Ce refus a suscité l’indignation des membres de la CNAVC. Ils y voient une atteinte à la souveraineté nationale et une discrimination politique injustifiée.

Selon les intervenants, le Burkina Faso remplissait toutes les conditions pour assurer la présidence tournante du Conseil.

« Rien ne justifie cette mise à l’écart si ce n’est une volonté manifeste d’isoler notre pays pour ses choix souverains », a martelé l’un des responsables de la CNAVC.

 

Une mauvaise digestion du retrait du pays de la CEDEAO ?

 

Cette décision intervient dans un contexte géopolitique complexe. Depuis le retrait du Burkina Faso de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en janvier 2024, les relations entre Ouagadougou et certaines institutions sous-régionales mais également certains pays en l’occurrence la Côte d’Ivoire,  restent tendues. Plusieurs acteurs de la société civile burkinabè dénoncent une politique de sanctions déguisées, visant à marginaliser les pays du Sahel ayant opté pour une nouvelle orientation politique.

La CNAVC estime que l’UEMOA est censée garantir une coopération économique équitable entre ses États membres. Mais celle-ci  cède à des pressions extérieures et abandonne ses principes de solidarité.

« Cette posture ne fait qu’approfondir les fractures entre nos peuples », ont-ils alerté.

Ils appellent à une refondation des institutions régionales sur des bases plus inclusives.

 

La CNAVC met en garde contre l’acceptation passive des manœuvres d’exclusion.

 

Au-delà de la dénonciation, la CNAVC a lancé un appel à la mobilisation pacifique de l’opinion publique. L’organisation invite les Burkinabè à rester vigilants face aux décisions internationales susceptibles d’affaiblir l’État burkinabè sur la scène régionale. Elle souligne également le rôle crucial des organisations de veille dans la préservation de la souveraineté nationale.

Dans leur message, les conférenciers ont mis en garde contre l’acceptation passive des manœuvres d’exclusion. Ils ont rappelé que l’UEMOA appartient à tous ses membres. De ce fait, son fonctionnement doit refléter un véritable esprit de coopération. Pour la CNAVC, il est temps de repenser la participation du Burkina Faso dans certaines organisations sous-régionales si celles-ci ne respectent plus les principes d’égalité.

 

Une demande de clarification adressée à l’UEMOA

 

Lors de cette conférence, la CNAVC a formellement exigé de la Commission de l’UEMOA, une motivation de son refus. Elle souhaite également qu’un cadre de dialogue soit mis en place afin d’éviter de nouvelles crispations dans les rapports institutionnels. Selon elle, l’avenir de l’intégration régionale dépendra de la capacité des structures actuelles à restaurer la confiance des peuples sahéliens.

À cet égard, plusieurs voix au sein de la société civile plaident pour une réforme profonde des organes décisionnels de l’UEMOA. La CNAVC a réaffirmé son engagement à défendre les intérêts du Burkina Faso dans toutes les sphères internationales, en privilégiant les voies diplomatiques et citoyennes.

 

Une situation qui dépasse le simple cadre institutionnel

 

Les représentants de la CNAVC ont appelé les autres organisations de la société civile africaine à exprimer leur solidarité avec le Burkina Faso. Ils estiment que la situation actuelle dépasse le simple cadre institutionnel. Elle symbolise une bataille plus large pour la reconnaissance des choix souverains des peuples africains.

Pour eux, si le Burkina Faso est aujourd’hui visé, d’autres nations africaines pourraient demain subir le même sort.

« C’est une question de dignité collective, pas uniquement un différend administratif », ont-ils insisté.

À l’issue de cette sortie médiatique, l’affaire reste ouverte. Aucune réaction officielle de l’UEMOA n’a encore été enregistrée. Cependant, au Burkina Faso, les lignes bougent. La société civile s’organise pour faire entendre sa voix, tandis que les autorités observent l’évolution de la situation avec prudence.

Face à un climat sous-régional instable, la conférence de la CNAVC sonne comme un avertissement. Elle appelle à la cohérence entre les idéaux de l’intégration régionale et les pratiques des institutions. Le débat est désormais lancé.

 

 

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Refonder l’UEMOA et la CEDEAO : le cri commun de Faye et Talon

Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a effectué une visite officielle à Cotonou ce mardi, où il a été accueilli par son homologue béninois Patrice Talon. Cette rencontre bilatérale s’est tenue dans un contexte régional tendu et a débouché sur un appel conjoint à une réforme profonde des deux grandes institutions d’intégration ouest-africaines : l’UEMOA et la CEDEAO.

 

Renforcement des relations bilatérales

Les deux dirigeants ont d’abord échangé sur le renforcement de la coopération entre le Sénégal et le Bénin. Ils ont évoqué plusieurs domaines, notamment les échanges commerciaux, la sécurité régionale et les enjeux de développement durable. De plus, ils ont réaffirmé leur volonté commune de dynamiser les relations Sud-Sud, dans un esprit de solidarité et d’unité continentale.

 

Un contexte sous-régional marqué par des tensions

Au-delà du cadre bilatéral, la rencontre s’inscrit dans un climat de tensions croissantes au sein de l’espace ouest-africain. Le retrait récent des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Burkina Faso, Mali et Niger – du Conseil des ministres de l’UEMOA a ravivé les critiques sur le fonctionnement des institutions régionales. Ce retrait est intervenu après le refus d’accorder la présidence tournante du Conseil au Burkina Faso, perçu par l’AES comme une marginalisation politique.

 

Un appel fort à la refondation des institutions régionales

Face à cette crise, les présidents Faye et Talon ont lancé un appel solennel à la refondation de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Selon eux, il est temps d’engager des réformes profondes pour restaurer la crédibilité, l’efficacité et l’inclusivité de ces institutions, jugées aujourd’hui en décalage avec les aspirations des peuples ouest-africains.

 

La “troïka” de la CEDEAO en toile de fond

Le plaidoyer de Cotonou intervient alors que la CEDEAO a récemment mis en place une « troïka » diplomatique chargée de renouer le dialogue avec l’AES. Cette initiative vise à apaiser les tensions et à prévenir une désintégration totale de l’espace communautaire. Cependant, pour les présidents béninois et sénégalais, ces efforts ponctuels doivent s’inscrire dans une refonte globale de la gouvernance régionale.

 

Une convergence de vues pour une nouvelle intégration

La convergence de vues entre les deux chefs d’État pourrait relancer un débat crucial sur le devenir de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. À Cotonou, Faye et Talon ont posé les jalons d’un dialogue franc sur la nécessité d’adapter les institutions aux nouvelles réalités politiques et sociales du continent.

Aucun calendrier précis n’a encore été annoncé pour la mise en œuvre des réformes évoquées. Toutefois, le signal politique envoyé par cette rencontre pourrait susciter un élan en faveur d’un sommet extraordinaire des chefs d’État de la région sur l’avenir des organisations régionales.

Ouattara–Traoré : un bras de fer qui paralyse l’UEMOA

Le 11 juillet 2025, les ministres des États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) doivent se réunir à Dakar. Mais à quelques jours de cette importante rencontre, l’organisation sous-régionale est en proie à une crise inédite. En toile de fond : le refus catégorique du président ivoirien, Alassane Ouattara, de voir le Burkina Faso assurer la présidence tournante du Conseil des ministres de l’UEMOA. Une position qui expose au grand jour les tensions UEMOA et menace l’unité d’une institution clé de l’intégration régionale.

Une rotation bloquée, un principe bafoué

Au sein de l’UEMOA, la présidence du Conseil des ministres est une fonction tournante. Chaque État membre doit, à tour de rôle, assumer cette responsabilité. En 2025, le tour revient au Burkina Faso, conformément à l’ordre protocolaire établi depuis la création de l’union en 1994.

Pourtant, cette règle simple est aujourd’hui contestée. Selon plusieurs sources diplomatiques, le président Alassane Ouattara aurait signifié son opposition à ce passage de relais. Il estime que le Burkina Faso, dirigé par un régime issu d’une transition militaire, ne saurait présider une instance aussi stratégique. Ce rejet unilatéral met en évidence une tension grandissante entre Abidjan et Ouagadougou.

Une crise politique déguisée en affaire institutionnelle

Derrière l’argument de la légitimité démocratique se cache une lutte d’influence plus profonde. Le président Traoré, depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2022, incarne une nouvelle génération de dirigeants ouest-africains. Il prône la souveraineté, l’auto-détermination et une rupture avec les logiques de dépendance héritées de l’époque coloniale.

Cette posture agace Alassane Ouattara, perçu comme le garant des équilibres classiques, proches des institutions financières internationales et des partenaires occidentaux. Le Burkina Faso, avec le Mali et le Niger, forme désormais un bloc contestataire au sein de la région. La crise actuelle à l’UEMOA n’est donc pas un simple malentendu administratif : elle est l’expression d’une fracture idéologique majeure.

Une paralysie aux conséquences régionales

Le refus de voir le Burkina Faso accéder à la présidence du Conseil des ministres de l’UEMOA a déjà un effet concret : le blocage du fonctionnement de l’organisation. Sans présidence officielle, la réunion du 11 juillet pourrait être reportée, voire annulée. Les décisions attendues sur la convergence économique, les politiques douanières ou la régulation monétaire sont donc compromises.

Or, dans un contexte de crise économique mondiale, les États membres ont besoin d’une UEMOA stable, efficace et solidaire. Cette paralysie inquiète déjà plusieurs partenaires techniques et financiers. Les tensions UEMOA pourraient nuire aux perspectives d’investissement et au climat de confiance entre les pays membres.

Une fracture assumée entre États

La réaction des autorités burkinabè ne s’est pas fait attendre. À Ouagadougou, des voix officielles dénoncent une volonté de « museler un État membre au nom d’un alignement politique ». Pour les partisans du pouvoir de transition, ce refus est une attaque contre la souveraineté du Burkina Faso.

Plusieurs analystes rappellent qu’aucun texte de l’UEMOA n’interdit à un gouvernement de transition d’exercer la présidence tournante. Le Mali et le Niger, eux aussi dirigés par des militaires, pourraient emboîter le pas au Burkina Faso et refuser d’assister à la réunion si leur voisin n’en assure pas la présidence comme prévu.

Une institution fragilisée

Cette crise met en lumière la vulnérabilité des institutions régionales. L’UEMOA, censée promouvoir l’intégration économique, se retrouve prisonnière de conflits politiques entre chefs d’État. Les valeurs d’équité, d’unité et de solidarité qui fondent l’organisation semblent mises entre parenthèses.

Plus inquiétant encore, ce bras de fer révèle une politisation croissante des espaces techniques de coopération. À terme, cela pourrait fragiliser la monnaie unique CFA, déjà sous pression, et provoquer un désengagement progressif de certains pays. Si les tensions UEMOA persistent, c’est toute l’architecture d’intégration sous-régionale qui risque de vaciller.

Appels au dialogue

Face à cette impasse, plusieurs diplomates appellent au calme et à la médiation. Le Sénégal, qui accueille la réunion du 11 juillet, joue la carte de la neutralité. Il cherche à convaincre les parties de trouver une solution politique et symbolique qui éviterait l’escalade.

Des observateurs évoquent l’idée d’une présidence partagée ou déléguée temporairement à un pays tiers. Mais ces options, si elles calment la situation à court terme, ne résoudront pas la question de fond : peut-on exclure des États membres d’une organisation pour des raisons politiques ? Et jusqu’à quand les institutions régionales pourront-elles fonctionner sans s’adapter aux nouvelles réalités géopolitiques ?

Une querelle révélatrice

La crispation entre Ouattara et Traoré est révélatrice des mutations en cours en Afrique de l’Ouest. Elle oppose deux visions de la souveraineté, deux générations de dirigeants, deux modèles d’alliance. D’un côté, une gouvernance libérale ancrée dans les partenariats traditionnels. De l’autre, une approche plus radicale de la souveraineté et du développement endogène.

Cette opposition gagne les institutions régionales. Et si elle n’est pas régulée, elle pourrait entraîner une crise plus large de légitimité au sein de la CEDEAO, de l’UEMOA, voire de la zone franc elle-même. Le bras de fer en cours dépasse largement le seul cas burkinabè. Il engage l’avenir du multilatéralisme africain.

 

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