Les Centrafricains ont voté, dimanche 27 décembre, pour élire leur président et des députés, et l’explosion de violence redoutée n’a finalement pas eu lieu.
Les électeurs ont voté, dimanche, en Centrafrique pour des élections présidentielle et législatives sous extrême tension. Le pays, toujours plongé dans une guerre civile, est sous la menace d’une nouvelle offensive rebelle contre le régime. Finalement, malgré des incidents épars, l’explosion de violence redoutée n’a pas eu lieu.
Les Centrafricains ont voté, dimanche 27 décembre, pour élire leur président et des députés, et l’explosion de violence redoutée n’a finalement pas eu lieu. Toutefois, les observateurs redoutent que nombre d’électeurs n’aient pu voter dans ce pays occupé aux deux tiers par des groupes armés dont les principaux mènent une offensive contre le régime du président sortant et favori, Faustin Archange Touadéra.
Les groupes rebelles avaient juré, il y a neuf jours, de « marcher sur Bangui » pour empêcher le scrutin, mais ils ont finalement été tenus à distance de la capitale de ce pays parmi les plus pauvres au monde, en guerre civile quasi ininterrompue depuis huit ans.
Ils n’y sont pas parvenus grâce au renfort de centaines de paramilitaires russes, soldats rwandais et Casques bleus de la force de maintien de la paix de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca).
« Globalement, le vote a eu lieu et les électeurs sont venus. Il y a eu un engouement (…) malgré des petits soucis sécuritaires dans quelques endroits », a indiqué en fin de journée Momokoama Théophile, rapporteur général de l’Autorité Nationale des Elections (ANE). Un satisfecit contesté par les experts et des observateurs dépêchés pour surveiller le scrutin.
« Ce vote va changer notre pays »
« Je veux d’abord la paix et cela passe par le vote », s’est enthousiasmé Roméo Elvin, un étudiant de 24 ans avant de voter au lycée Boganda.
« À Bangui, cela a l’air de bien se passer mais le gros point noir, c’est que les gens ne votent pas du tout dans plusieurs localités. Nous sommes complètement aveugles sur la situation en dehors de la capitale », estimait un observateur de l’UE en soirée, sous couvert de l’anonymat.
« C’est très important pour moi d’être là en tant que citoyenne. Je pense que ce vote va changer notre pays, quel que soit le président », s’enthousiasme Hortense Reine, une enseignante.
La tenue de ces élections présidentielle et législatives est un enjeu majeur pour le pays, mais aussi la communauté internationale, qui tente de l’aider à se reconstruire et d’y maintenir une sécurité toute relative depuis 2014.
Matériel électoral saisi
À Bangui, le calme règne ces derniers jours mais la peur suinte dans certains quartiers. « Je pense que beaucoup de gens n’iront pas voter et moi-même j’hésite encore », lâchait samedi soir Bertrand, un commerçant. À l’intérieur du pays, loin de la capitale encore, des combats sporadiques ont toujours lieu depuis neuf jours.
Des incidents épars ont été rapportés dimanche et des milliers de personnes ont été empêchées de voter ou privées de leurs cartes d’électeurs jamais arrivées en raison de l’insécurité, selon des responsables locaux et de l’ONU anonymes.
Ainsi, dans le nord-ouest, à plus de 500 km de Bangui, des rebelles ont saisi du matériel électoral à Koui, menacé de tuer des agents électoraux à Ngaoundaye, et quiconque ira voter à Bocaranga, comme dans de nombreuses autres bourgades, selon des responsables locaux et de l’ONU sous couvert de l’anonymat.
Plus près, à Bossembélé, une ville de 50 000 habitants à 150 km de Bangui, « nous n’avons pas reçu les cartes d’environ 11 000 électeurs », s’est désolé une haute responsable de la sous-préfecture.
Dans ce contexte, la question de la légitimité des futurs élus – le président et 140 députés – est déjà posée quand une partie importante de la population n’a pu voter, ou le faire librement et sereinement, en dehors de Bangui, selon les experts et l’opposition.
« Il y a le discours lénifiant qui dit que tout se passe bien à Bangui et on oublie tout le reste. Les groupes armés ont pris en otage la population », estime Roland Marchal, du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po à Paris.
« Ces élections sont partielles, non crédibles et ne respectent pas les standards internationaux », renchérit Thierry Vircoulon, de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Toutefois la journée s’est déroulée sans le chaos que certains prédisaient, même s’il est difficile d’obtenir des informations des territoires occupés ou sous influence des groupes armés.
Les rebelles, habitués en 2013 et 2014 à attaquer des civils abandonnés par une armée alors en déroute, font aujourd’hui face à quelque Casques bleus, renforcés jeudi par 300 soldats rwandais Kigali et Moscou ont volé il y a quelques jours au secours du pouvoir de Faustin Archange Touadéra.
« Je vous appelle à ne pas aller voter »
L’ex-chef d’État, dont la candidature avait été invalidée, avait appelé à ne pas voter à la présidentielle. « Mes compatriotes, je vous appelle à ne pas aller voter. Restez chez vous. Laissez Touadéra seul aller déposer son bulletin dans les urnes », avait-il déclaré dans un message audio diffusé sur internet et authentifié par son parti auprès de l’AFP. « Je soutiens la CPC », avait-il ajouté invoquant la Coalition pour le changement, regroupant les plus puissants des groupes armés qui occupent depuis plusieurs années deux tiers de la Centrafrique.
L’opposition s’avançait donc dimanche en ordre dispersé, avec pas moins de 15 candidats, face à un président sortant qui a, selon les experts et les diplomates, toutes les chances d’obtenir un second mandat. Mais l’opposition a également accusé le camp du chef de l’État de préparer des fraudes massives pour l’emporter dès le premier tour.