Traoré veut un Burkina maître de son or et de son agriculture

En recevant la presse le 29 septembre, le capitaine Ibrahim Traoré a réaffirmé sa volonté de reprendre la main sur l’exploitation aurifère. Le chef de l’État lie cette souveraineté minière aux progrès agricoles, gages selon lui d’une économie burkinabè plus juste et plus autonome.

 

Le capitaine Ibrahim Traoré, président du Burkina Faso, a réaffirmé le 29 septembre 2025 sa volonté de renforcer l’exploitation aurifère nationale. Dans un entretien accordé aux médias, il a insisté sur la nécessité pour le pays de gagner en autonomie et de tirer un maximum de bénéfices de ses ressources naturelles.

« Nous voulons exploiter notre or par nous-mêmes », a déclaré le chef de l’État. Le gouvernement a déjà pris le contrôle de plusieurs sites miniers et entend étendre ce modèle, soit en collaboration avec certaines sociétés déjà implantées, soit par une gestion entièrement nationale.

Le président a rappelé que l’ancien système, qui ne laissait que 10 % des revenus miniers à l’État, échappait largement au contrôle des autorités. « Nous assurons désormais une maîtrise directe pour garantir une part substantielle de ce qui provient de notre sous-sol », a-t-il souligné, estimant que cette réforme est essentielle pour stimuler la croissance économique.

Exploitation aurifère et essor agricole

Au-delà du secteur minier, Ibrahim Traoré a évoqué les avancées enregistrées dans le domaine agricole. Selon lui, la sécurisation de plusieurs zones a permis une nette hausse de la production, créant des opportunités pour la transformation locale et l’exportation. Pour mesurer concrètement les effets de ces changements, le président a expliqué qu’il mandate régulièrement des équipes pour observer l’évolution des prix de produits de base comme le maïs ou le mil. « Quand les prix baissent, c’est un indicateur positif pour les populations », a-t-il expliqué.

Sur le plan macroéconomique, le chef de l’État a insisté sur l’importance que les chiffres traduisent une amélioration réelle du quotidien des Burkinabè, en particulier des plus vulnérables. Une approche pragmatique, selon lui, qui traduit la volonté d’allier transparence et efficacité dans la gestion des ressources du pays.

Fraude à l’or et blanchiment : trois prévenus relaxés au bénéfice du doute à Ouagadougou

La chambre correctionnelle du pôle économique et financier du Tribunal de grande instance Ouaga I a rendu son verdict le mercredi 11 juin 2025 dans l’affaire opposant l’État à A. Zerbo, M. Yacouba et T. Issaka. Poursuivis pour fraude à la commercialisation de l’or et blanchiment de capitaux, les trois prévenus ont été relaxés au bénéfice du doute, après plusieurs mois de détention préventive.

 

Des soupçons autour de fonds venus du Mali

À l’audience, A. Zerbo, commerçant de céréales depuis plus de 15 ans, a expliqué avoir été introduit dans le secteur aurifère par un partenaire malien, Sidi Golo. Celui-ci lui aurait confié la gestion d’un site d’exploitation au Mali, en lui envoyant régulièrement des fonds pour le paiement des charges. C’est dans ce cadre qu’un virement de plus de 200 millions de F CFA, soupçonné d’être lié à un trafic d’or, a attiré l’attention du parquet. Zerbo a soutenu que ces fonds provenaient d’activités légales avec son partenaire.

Un fils et un associé également poursuivis

Son fils, M. Yacouba, était poursuivi pour complicité. Il lui était reproché d’avoir brisé un coffre au domicile familial afin de soustraire de l’argent lors de l’arrestation de son père. Selon sa version, il croyait à une tentative de braquage. Pour le parquet, il avait pleine conscience des activités suspectes.

Quant à T. Issaka, il a reconnu avoir travaillé dans l’or au Mali sans documents officiels, avant de tenter l’orpaillage artisanal au Burkina Faso, sans succès. Il a affirmé n’avoir tiré aucun bénéfice de ces tentatives.

Des réquisitions lourdes face à la défense

Le parquet avait requis 36 mois de prison ferme contre les trois hommes, en plus d’importantes amendes : 963,6 millions F CFA pour A. Zerbo et M. Yacouba, et 669 millions F CFA pour T. Issaka. Il avait aussi demandé un mandat de dépôt immédiat.

L’agent judiciaire de l’État, partie civile, avait réclamé solidairement 400 millions F CFA de dommages et intérêts, estimant que les prévenus auraient dû déclarer leurs activités et s’acquitter des taxes. Les avocats, eux, ont plaidé la relaxe, dénonçant l’absence de preuves concrètes de fraude ou de blanchiment.

Verdict : relaxe et soulagement

Le Tribunal a finalement relaxé les trois prévenus au bénéfice du doute. La constitution de partie civile de l’État a été jugée irrecevable et les dépens mis à la charge du Trésor public.

À la sortie de l’audience, les trois hommes, jusque-là en liberté provisoire, ont laissé éclater leur soulagement. « Aidez-nous à travailler pour le pays. J’ai 15 enfants à nourrir », avait lancé A. Zerbo dans ses ultimes déclarations. Son fils ajoutait : « Si on tombe, c’est fini pour nous », tandis que T. Issaka plaidait son ignorance du secteur aurifère au Burkina Faso.

RCA : des mésententes autour de l’or de Ndassima

La société Axmin, enregistrée au Canada et cotée en Bourse, dénonce le retrait de son permis d’exploitation de la mine d’or de Ndassima, dans la région de Bambari, dans le centre du pays, au profit d’une autre société, vraisemblablement proche de la Russie.

Ce n’est pas dans l’habitude des sociétés minières de parler, mais Axmin a décidé de sortir de son silence par la voix de son représentant dans le pays, Boubacar Sidibe.

« Ces projets sont le fruit de nos investissements ainsi que de nos recherches. Il est inconcevable de nous déposséder de nos projets », dénonce-t-il.

L’entreprise, active depuis 2006 à Ndassima, estime avoir investi environ 500 milliards de FCFA (environ 760 millions d’euros) dans la recherche, le développement et les projets communautaires dans la zone.

Le retrait du permis minier à la société canadienne ne passe pas. Axmin dispose, depuis 2010, de trois permis à Ndassima (un permis d’exploitation aurifère et deux permis d’exploration), dans la sous-préfecture de Bambari. Cette mine est « la plus commercialement viable connue, d’un point de vue industriel », assure Sebastian Pennes, expert indépendant sur l’artisanat minier

La situation sécuritaire s’aggrave

Mais la crise éclate dans le pays. Dès décembre 2012, la société informe les autorités. « Je vous notifie formellement de la survenance d’un cas de force majeure avec la prise de notre base-vie hier par les rebelles de la coalition Seleka », informe par courrier le président d’Axmin au ministre à la présidence, chargé des Mines à la veille de Noël 2012.

Depuis, la situation n’a pas beaucoup évolué dans cette région. Le groupe armé UPC est toujours dans la zone et occupe le site minier. Dans un courrier de mai 2019, Victor Bissekoin, préfet de la Ouaka, alertait une seconde fois les autorités sur la situation à Ndassima.

« Les groupes armés continuent d’écumer la zone, séquestrant, à la limite, les artisans miniers qui travaillent pour leur compte. Du coup, notre or est devenu une source d’enrichissement illicite des faiseurs de troubles », décrit le préfet dans sa missive. « J’exhorte votre autorité à prendre ou à faire prendre des mesures idoines pour le déguerpissement de ces occupants illégaux et donner l’occasion à la société, légalement constituée, pour reprendre ses activités », poursuit-il.

La situation sécuritaire dans la zone de Bambari, fief du chef de groupe armé Ali Darass, reste précaire. La Journée mondiale de l’alimentation, prévue en 2018 avait par exemple dû être annulée. Entretemps, l’exploitation artisanale et illégale de la mine de Ndassima se poursuit. Axmin ne peut retourner sur le site. L’entreprise internationale refuse de passer des accords avec les éléments armés sur place pour reprendre ses activités.

Retrait des permis à Axmin

L’affaire prend un nouveau tour en novembre 2019, lorsque le ministère des mines lance un avis public international à manifestation d’intérêt pour l’attribution du gisement de Ndassima. C’est alors qu’Axmin apprend que les autorités ont retiré ses permis pour « violation de la loi », des permis qui courraient sur une durée de 25 années. Le directeur de cabinet du ministère des Mines, Thierry Poulizouh, affirme que cette démarche se justifie par l’application du code minier. L’entreprise se voit reprocher de ne pas mettre en valeur le site dans les délais prévus par les textes officiels.

« Nul n’est au-dessus de la loi, les procédures judiciaires sont en cours », a déclaré le directeur de Cabinet qui estime que le code minier n’a pas été respecté, malgré trois mises en demeure effectuées par le ministère, et que la société Axmin n’a pas respecté les délais impartis. « Il était donc légal pour les autorités de réattribuer ce permis », affirme le directeur de cabinet.

La société, enregistrée au Canada, estime que cet argument est infondé et a donc entamé plusieurs actions en justice. Saisi le 27 janvier 2020, le Conseil d’État s’est déclaré incompétent, le 7 avril. Axmin s’est donc tournée vers la Chambre d’arbitrage de Paris, ce qui est prévu par leur convention en cas de litige. Axmin s’étonne de la réattribution aussi rapide du permis à un nouvel acteur qui laisse circonspect la société canadienne.

Permis minier attribué à une autre société

Les autorités centrafricaines n’ont pas souhaité confirmer ni commenter l’identité de l’entreprise qui s’est vu réattribuer le permis minier. Selon les dires d’Axmin et plusieurs documents officiels consultés par RFI qui vont dans ce même sens, c’est la société Midas Ressources « réputée proche de la Russie », selon Africa Intelligence, qui a ainsi été choisie pour l’exploitation industrielle du gisement.

Peu d’informations sont accessibles sur cette société qui dispose d’un site internet, depuis 2019. Elle y affirme être spécialisée dans la production du diamant, de l’or, du cuprum et du chrome.

Selon la convention minière dont RFI a consulté une copie, l’entreprise est représentée par le Malgache Final Leandric Rabenatoandro. Le texte prévoit aussi la cession possible des droits de ce permis à une autre société dénommée INCOMAD. Suspicieuse, la société Axmin dénonce la forte probabilité que des Russes et notamment l’organisation Wagner puissent se cacher derrière.

« Il ne s’agit pas de question de nationalité mais bien de respect des lois », affirme, de son côté, le directeur de cabinet du ministère des Mines.