Cédéao-AES : Julius Maada Bio relance le dialogue avec les pays sahéliens

Le président en exercice de la Cédéao, Julius Maada Bio, multiplie les appels à la réconciliation avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger, désormais regroupés au sein de l’AES.

 

Le président sierra-léonais Julius Maada Bio, nouveau président en exercice de l’Autorité des chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), a renouvelé, ce mardi 6 août 2025, un appel au dialogue avec la Confédération des États du Sahel (AES). Ce bloc regroupe depuis janvier 2025 le Burkina Faso, le Mali et le Niger, trois pays qui ont officiellement quitté la Cédéao.

Recevant à Freetown le président de la Commission de la Cédéao, Dr Omar Alieu Touray, Maada Bio a souligné l’importance de « bâtir une relation plus forte entre la Cédéao et les nations de l’AES », insistant sur les impératifs de paix, de sécurité, de commerce et de libre circulation.

 

Une stratégie de réconciliation engagée

Cette déclaration s’inscrit dans la continuité des démarches diplomatiques entreprises lors du 67ᵉ sommet d’Abuja le 22 juin 2025. En effet, au cours de ce sommet, une troïka ministérielle a été mise en place pour encadrer politiquement et techniquement la sortie des trois États sahéliens. Ce cadre de dialogue doit notamment garantir les droits des citoyens et atténuer les effets de la rupture institutionnelle.

« Nos portes leur restent ouvertes pour l’unité et la vision commune de l’avenir », avait déjà affirmé l’ex-président en exercice Bola Ahmed Tinubu. Julius Maada Bio poursuit cette ligne, tout en soulignant l’urgence d’un « partenariat plus étroit » au service de la stabilité régionale.

L’AES trace sa voie

Depuis leur retrait, les trois pays membres de l’AES ont renforcé leur coopération confédérale, se dotant d’un drapeau commun, d’un passeport, d’un hymne et d’un projet de force militaire conjointe. En mai dernier, une rencontre avait déjà eu lieu entre les ministres des Affaires étrangères de l’AES et la Commission de la Cédéao, témoignant d’une volonté mutuelle de maintenir le dialogue post-rupture.

Julius Maada Bio a également appelé à un sommet spécial sur l’avenir de la région ouest-africaine, estimant que l’heure est venue de repenser cinquante années d’intégration.

Le président de la Commission, Dr Touray, a de son côté informé son hôte des efforts en cours sur plusieurs dossiers politiques, notamment en Guinée et en Guinée-Bissau, et a annoncé une mission d’évaluation conjointe sur le différend frontalier de Yenga entre la Sierra Leone et la Guinée.

Monnaie unique Eco : la CEDEAO annonce son lancement pour 2027

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) prévoit de lancer la monnaie unique Eco en 2027, selon une annonce faite le 4 août à Banjul par son président de la Commission, Omar Alieu Touray. Ce projet, repoussé à plusieurs reprises, entre dans une nouvelle phase plus pragmatique. Il pourrait voir le jour sans l’ensemble des quinze pays membres de l’organisation régionale.

 

Un lancement progressif envisagé

La CEDEAO abandonne désormais l’idée d’un lancement simultané pour tous ses membres. « L’idée est de lancer la monnaie unique avec ceux qui sont prêts », a expliqué Omar Touray. Les pays en retard sur les critères de convergence ne seront pas exclus pour autant. Ils bénéficieront d’un accompagnement spécifique afin de rejoindre le projet ultérieurement.

Des conditions jugées favorables

Les propos de Touray font suite à la table ronde de clôture du premier Forum de gouvernance du Sahel. Celle-ci s’est tenu les 30 et 31 juillet derniers. A cette occasion, il avait déjà affirmé que les dirigeants ouest-africains avaient réuni les conditions techniques, économiques et politiques nécessaires pour concrétiser la création de la monnaie unique Eco

Pour réussir ce lancement, il a insisté sur l’importance de la cohésion sociale, du renforcement des institutions démocratiques et d’une gouvernance efficace des ressources nationales.

Un projet à portée stratégique

Depuis plusieurs années, la CEDEAO ambitionne de créer un espace économique intégré et souverain, en réduisant la dépendance aux devises étrangères comme l’euro ou le dollar. La monnaie unique Eco devrait remplacer le franc CFA, toujours émis par la BCEAO pour huit pays d’Afrique de l’Ouest. Ce système est régulièrement critiqué pour son héritage colonial.

Lors du 55ᵉ sommet de la CEDEAO en juin 2019, les chefs d’État de la région avaient déjà annoncé la création d’une nouvelle devise. Cependant, des désaccords internes, des crises économiques et la pandémie de Covid-19 avaient ralenti le projet

Une nouvelle impulsion régionale

L’annonce du lancement pour 2027 marque une volonté politique renouvelée. Elle s’inscrit dans une logique d’intégration régionale plus réaliste, centrée sur les États les plus avancés. La monnaie unique Eco reste un objectif stratégique majeur pour la souveraineté monétaire de l’Afrique de l’Ouest.

Burkina Faso : une croissance à deux vitesses, la BAD tire la sonnette d’alarme

Malgré un contexte régional instable et des défis sécuritaires persistants, l’économie burkinabè affiche une croissance estimée à 5 % en 2024. C’est ce que révèle le rapport 2025 de la Banque africaine de développement (BAD) consacré au Burkina Faso. Publié récemment, ce document analyse les performances macroéconomiques du pays, tout en pointant les fragilités qui freinent un développement véritablement inclusif.

 

En dépit du retrait du Burkina de la CEDEAO, des conséquences du changement climatique et d’une crise humanitaire prolongée, l’économie nationale semble avoir résisté. Selon la BAD, la croissance a été portée par deux secteurs majeurs : l’agriculture et les services, notamment le commerce et les activités financières. Ce rebond économique s’explique aussi, en partie, par le renforcement des capacités sécuritaires.

À ce titre, les autorités affirment avoir repris le contrôle de plus de 71 % du territoire national, contre 40 % en 2022. Cette amélioration a permis, entre autres, le retour d’un million de personnes déplacées internes (PDI) dans leurs villages d’origine. Un progrès salué par la BAD, même si elle note que les retombées sociales de cette croissance restent limitées.

En effet, les inégalités persistent. La majorité des Burkinabè ne ressent pas encore les effets positifs de cette dynamique économique. L’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi ou encore aux services de base demeure un défi majeur, particulièrement en zones rurales ou dans les régions fragilisées par l’insécurité.

La BAD souligne que pour que cette croissance devienne résiliente et inclusive, il est nécessaire d’investir davantage dans les infrastructures sociales, la gouvernance économique et la lutte contre les vulnérabilités structurelles. Elle recommande aussi une meilleure mobilisation des ressources internes et un appui ciblé aux populations les plus affectées.

En somme, bien que les indicateurs macroéconomiques soient encourageants, le Burkina Faso doit encore relever le défi de la redistribution équitable des fruits de la croissance. Seule une stratégie centrée sur l’humain pourra faire de cette relance économique un véritable levier de développement durable.

Refonder l’UEMOA et la CEDEAO : le cri commun de Faye et Talon

Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a effectué une visite officielle à Cotonou ce mardi, où il a été accueilli par son homologue béninois Patrice Talon. Cette rencontre bilatérale s’est tenue dans un contexte régional tendu et a débouché sur un appel conjoint à une réforme profonde des deux grandes institutions d’intégration ouest-africaines : l’UEMOA et la CEDEAO.

 

Renforcement des relations bilatérales

Les deux dirigeants ont d’abord échangé sur le renforcement de la coopération entre le Sénégal et le Bénin. Ils ont évoqué plusieurs domaines, notamment les échanges commerciaux, la sécurité régionale et les enjeux de développement durable. De plus, ils ont réaffirmé leur volonté commune de dynamiser les relations Sud-Sud, dans un esprit de solidarité et d’unité continentale.

 

Un contexte sous-régional marqué par des tensions

Au-delà du cadre bilatéral, la rencontre s’inscrit dans un climat de tensions croissantes au sein de l’espace ouest-africain. Le retrait récent des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Burkina Faso, Mali et Niger – du Conseil des ministres de l’UEMOA a ravivé les critiques sur le fonctionnement des institutions régionales. Ce retrait est intervenu après le refus d’accorder la présidence tournante du Conseil au Burkina Faso, perçu par l’AES comme une marginalisation politique.

 

Un appel fort à la refondation des institutions régionales

Face à cette crise, les présidents Faye et Talon ont lancé un appel solennel à la refondation de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Selon eux, il est temps d’engager des réformes profondes pour restaurer la crédibilité, l’efficacité et l’inclusivité de ces institutions, jugées aujourd’hui en décalage avec les aspirations des peuples ouest-africains.

 

La “troïka” de la CEDEAO en toile de fond

Le plaidoyer de Cotonou intervient alors que la CEDEAO a récemment mis en place une « troïka » diplomatique chargée de renouer le dialogue avec l’AES. Cette initiative vise à apaiser les tensions et à prévenir une désintégration totale de l’espace communautaire. Cependant, pour les présidents béninois et sénégalais, ces efforts ponctuels doivent s’inscrire dans une refonte globale de la gouvernance régionale.

 

Une convergence de vues pour une nouvelle intégration

La convergence de vues entre les deux chefs d’État pourrait relancer un débat crucial sur le devenir de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. À Cotonou, Faye et Talon ont posé les jalons d’un dialogue franc sur la nécessité d’adapter les institutions aux nouvelles réalités politiques et sociales du continent.

Aucun calendrier précis n’a encore été annoncé pour la mise en œuvre des réformes évoquées. Toutefois, le signal politique envoyé par cette rencontre pourrait susciter un élan en faveur d’un sommet extraordinaire des chefs d’État de la région sur l’avenir des organisations régionales.