Mali : Bamako et Barrick scellent enfin un accord pour relancer le complexe aurifère de Loulo-Gounkoto

Après plus d’un an de tensions autour du complexe aurifère de Loulo-Gounkoto, le gouvernement malien et Barrick sont parvenus à un accord verbal ouvrant la voie à une reprise progressive des activités. Un tournant majeur pour un secteur vital à l’économie nationale.

 

Bamako et Barrick ont finalement trouvé une issue après plus d’un an de tensions autour du complexe aurifère de Loulo-Gounkoto. Le gouvernement malien et la société Barrick Mining Corporation ont conclu, le 21 novembre 2025, un accord verbal destiné à lever le blocage qui paralysait le site depuis plus d’un an. Cette avancée marque une étape importante après une succession d’événements ayant lourdement pesé sur la production d’or du pays et sur les relations entre les autorités maliennes et l’opérateur canadien.

Le conflit s’était aggravé avec l’entrée en vigueur du code minier de 2023, qui augmentait la part de l’État dans les projets et revoyait à la hausse les obligations fiscales du secteur. Les audits menés à la suite de cette réforme avaient débouché sur une demande d’environ 500 millions de dollars américains d’arriérés d’impôts. Les autorités faisaient également état de pertes estimées entre 300 et 600 milliards de francs CFA soit environ 490 à 980 millions de dollars américains, pour l’ensemble de l’industrie. À la fin de l’année 2024, la situation avait pris un tournant critique avec l’arrestation de quatre employés maliens de Barrick et la saisie de trois tonnes d’or, évaluées à près de 245 millions de dollars américains au prix du marché.

Au début de 2025, ces tensions avaient entraîné des perturbations majeures, poussant à une suspension temporaire des opérations. Le 16 juin, le tribunal de commerce de Bamako avait nommé un administrateur provisoire chargé de superviser le complexe pendant six mois. Cette période d’incertitude avait contribué à une baisse significative de la production industrielle d’or, estimée à environ 32 % entre janvier et août 2025, dans une zone où Loulo-Gounkoto constitue un moteur essentiel d’emploi et d’activité économique.

Le site occupe en effet une place stratégique dans l’industrie aurifère malienne et représente un pilier majeur pour Barrick. Il fournit environ 14 % de la production mondiale du groupe et a généré plus de 10 milliards de dollars américains de retombées économiques pour le Mali depuis 2005, incluant les salaires, les impôts, les redevances et les achats locaux. En octobre 2024, Barrick avait déjà versé 85 millions de dollars américains au Trésor dans le cadre des discussions fiscales, et l’entreprise avait enregistré en 2025 une charge de 1,04 milliard de dollars américains en raison de la perte de contrôle opérationnel du site.

L’accord annoncé le 21 novembre 2025 prévoit le renouvellement de la licence d’exploitation pour dix années supplémentaires, alors que l’autorisation actuelle arrive à échéance en février 2026. Le compromis inclut également la libération des quatre employés emprisonnés, la restitution des trois tonnes d’or saisies et l’abandon par Barrick des procédures d’arbitrage engagées contre l’État. Bien qu’il reste pour l’instant purement verbal, cet accord ouvre la voie à une reprise graduelle des activités dans un secteur vital pour l’économie malienne et pour les milliers de travailleurs dépendant directement ou indirectement du complexe de Loulo-Gounkoto.

Mali – Barrick Gold : Un contentieux stratégique au nom de la souveraineté économique

Au-delà d’un litige fiscal, le Mali affirme sa volonté de reprendre le contrôle de ses ressources naturelles, dans un contexte de redéfinition des rapports entre États africains et multinationales.

Le 8 juillet 2025, le Mali s’est présenté devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) pour affronter le géant minier canadien Barrick Gold. En toile de fond : un différend autour du complexe aurifère de Loulo-Gounkoto, cœur battant de l’économie extractive malienne. Mais au-delà des chiffres et des procédures, cette affaire révèle un tournant stratégique dans la posture du Mali face aux acteurs économiques internationaux.

 

Un différend qui dépasse les chiffres

Selon les éléments portés à la connaissance du public, le différend porte sur un redressement fiscal de plusieurs centaines de millions de dollars réclamé par l’État malien à la société Barrick Gold. En effet, le géant canadien, opérant depuis plus d’une décennie sur les sites de Loulo et Gounkoto, conteste cette exigence devant l’arbitrage international, arguant du respect de ses engagements contractuels.

Pourtant, le Mali, de son côté, affirme sa légitimité à faire appliquer le droit fiscal national, et à corriger des déséquilibres historiques liés à certains contrats miniers hérités du passé.

 

Loulo-Gounkoto : enjeu stratégique

Le complexe Loulo-Gounkoto représente l’un des plus importants pôles de production aurifère du pays, avec des retombées économiques et sociales considérables. Dans un pays où l’or représente près de 75 % des recettes d’exportation, chaque site d’exploitation devient un levier vital de souveraineté.

C’est ce que rappelle implicitement la démarche malienne : il ne s’agit pas uniquement d’un litige sur des montants, mais d’un signal politique affirmant que les richesses du sous-sol doivent désormais être gérées dans l’intérêt des peuples.

 

Un tournant juridique : la figure de Diamana Diawara 

Dans ce dossier, une figure retient l’attention : celle de Diamana Diawara, juriste malien reconnu, qui représente l’État dans cette procédure. Formé aux meilleures écoles de droit africaines et européennes, il incarne une nouvelle génération d’experts décidés à défendre les intérêts africains sur les scènes internationales.

Sa présence devant le CIRDI est aussi symbolique : elle marque la volonté du Mali de professionnaliser sa riposte juridique, de s’appuyer sur des compétences nationales, et de ne plus subir les arbitrages sans faire valoir sa pleine capacité de défense.

 

Repositionnement régional et aspiration souverainiste

Ce bras de fer s’inscrit également dans un contexte plus large. Depuis leur retrait progressif des alliances régionales dominées par d’autres puissances, les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Burkina Faso, Mali, Niger – cherchent à renforcer leur souveraineté économique, judiciaire et militaire.

Le recours au CIRDI est donc une étape de cette transformation : au lieu de se retirer du système international, le Mali choisit d’y faire entendre sa voix, d’en maîtriser les règles et d’en utiliser les leviers pour redéfinir sa place.

 

Une affaire suivie de près sur le continent

De nombreux observateurs africains suivent ce procès avec attention. Il pourrait faire jurisprudence dans les années à venir, et inspirer d’autres pays souhaitant réexaminer leurs contrats extractifs ou réaffirmer leur autorité fiscale. Sans tomber dans la confrontation idéologique, le Mali semble ainsi poser une question centrale : les règles internationales d’investissement peuvent-elles s’appliquer sans brimer les droits des États à maîtriser leurs ressources stratégiques ?

Le contentieux entre le Mali et Barrick Gold dépasse les contours d’un désaccord fiscal. Il cristallise les aspirations d’un État à mieux contrôler ses richesses naturelles, à redéfinir sa relation avec les grandes entreprises, et à s’affirmer dans les espaces juridiques internationaux. Ce moment marque peut-être une inflexion durable dans les rapports entre les États africains et les multinationales du secteur extractif.

 

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