RCA: les experts de l’ONU détaillent les recrutements parallèles pour la sécurité

Un rapport de l’ONU détaille sur une quarantaine de pages les violations des droits de l’homme commises par les différentes parties au conflit.

 

Publié ce mercredi 30 juin, le dernier rapport des experts des Nations unies sur la Centrafrique est sévère. Il détaille sur une quarantaine de pages les violations des droits de l’homme commises par les différentes parties au conflit. Il pointe aussi ce que les experts nomment la « factionnalisation du secteur de la sécurité ». Des membres de groupes armés ou de milices recrutés ou instrumentalisés par des membres du gouvernement et les forces de sécurité.

Ces groupes sont organisés pour opérer avec ou en soutien aux institutions de sécurité de l’État. Leurs éléments ont reçu un soutien financier, certains du matériel militaire détourné des stocks officiels prévus pour les Forces armées ou les forces intérieures de sécurités. Ceci en violation de l’embargo précise le rapport. D’autres, se sont vus promettre une intégration officielle dans l’armée ou les forces de sécurité intérieure.

Des cas sont documentés dans la garde présidentielle

La garde présidentielle n’est pas encadrée par le plan de défense nationale et le recrutement de ses membres se fait de manière discrète dans le quartier du président, dans son église ainsi que de son ethnie, assurent les experts. Des éléments anti-balaka connus ont aussi été recrutés. C’est le cas de Thierry Lébéné qui officiait sous les ordres de Patrice-Edouard Ngaïssona, aujourd’hui à la CPI. Sur son compte Facebook, Lébéné alias « 12 Puissances », se présente en tenue aux couleurs de la garde présidentielle.

Autre entité documentée : les « Requins »

Formé en juin 2019, ce groupe d’abord actif sur les réseaux sociaux dispersant de fausses informations et menaçant des membres de l’opposition a été dissout dans l’été de cette même année. Mais fin 2020, les « Requins » émergent de nouveau cette fois-ci sur le terrain. Constitués en partie de membres de la garde présidentielle, ils opèrent comme « une force de l’ombre » en charge « d’opérations de sécurité extra-judiciaire » qui leur sont confiées par des conseillers à la présidence. À ce sujet, le directeur général de la garde présidentielle, le général Service a assuré au panel qu’il n’était pas au courant de l’implication de ses éléments dans de telles activités.

Le recrutement d’éléments parmi les groupes d’autodéfense du PK5

Autre élément mis en exergue par les experts : le recrutement d’éléments parmi les groupes d’autodéfense du PK5. Longtemps considérés comme les ennemis numéros 1 à Bangui, ces autodéfenses ont été recrutées par le ministère de l’Intérieur comme des forces auxiliaires, portant l’uniforme. Le membre le plus connu de ces recrues le général Nimery Matar Djamous mieux connu sous le nom de LT. Une photo de lui en tenue de gendarme accompagné d’éléments identifiés comme appartenant à l’équipe russe d’instructeurs par le panel des experts avaient circulé à l’époque sur les réseaux sociaux. Des éléments engagés dans le processus de DDR ont ainsi rejoint les rangs de ces combattants qui ont notamment combattu contre la rébellion principalement sur l’axe Bangui-Boali-Bossembélé.

Enfin, dans les régions de la Vakaga et à Grimari des miliciens ou des membres de groupes armés ont été mis à contribution pour contrer la coalition armée. À la frontière avec le Soudan par exemple, une coalition de jeunes armés a été utilisée afin de bloquer le ravitaillement en armes de la CPC.

 

 

RCA : les limites des services de sécurités du PK5 face aux violences

Les récentes violences armées du km 5 ont mis à nu la défaillance des services de sécurité du pays et l’on assiste aujourd’hui à une montée en puissance des commerçants de la localité, ce qui ne résout pas du tout le problème de sécurité dans cette partie de la capitale qui échappe depuis au contrôle du gouvernement.

Même si les derniers évènements douloureux qui ont secoué le Km5 ont vu la montée en puissance des commerçants, qui sont aussi des miliciens, au détriment des groupes d’autodéfense, l’on redoute que la tentation hégémonique des commerçants ne soit encore un autre problème que les autorités centrafricaines doivent tout faire pour circonscrire.

De sources sûres et concordantes contactées par CNC, des armes et munitions ont été découvertes au domicile du tristement célèbre chef de gangs du Km5 le surnommé You, par les commerçants de ladite localité lors des affrontements.

« Mais là où le bât blesse, au lieu d’informer les forces de sécurité intérieure, ces derniers se seraient réparti cet arsenal de guerre entre eux. Par cet acte, quel est véritablement le projet des commerçants du Km5  », s’interrogent les citoyens lambda.

En attendant, l’inefficacité du gouvernement a imposé la loi dans cette partie de la capitale démontre à suffisance la limite de sa politique sécuritaire. L’équilibre des forces a changé. Les commerçants sont les seuls maîtres incontestés du Km5 aujourd’hui, mais lourdement armé. Eux à leur tour vont tenter d’imposer leur diktat et le Km5 est et reste un « no man’s land ».

Les autorités centrafricaines ont affiché durant 48 heures de massacres à Pk5 une indifférence notoire par leur mutisme, insensibilité et leur inaction contre les désastres qui se commettaient à 5 kilomètres de la présidence de la République.

Face aux violences qui opposaient les commerçants aux groupes d’autodéfense, le gouvernement est resté spectateur, muet et incapable de dresser un bilan exhaustif du carnage. Pour un observateur de la vie politique, « ce dernier épisode pose la problématique du statut juridique du quartier Km5, une zone de non droit où les taxes, impôts sont perçus par une entité autre que l’État, un territoire autonome dans la République où circulent des armes de tous calibres, des drogues ainsi que des produits prohibés », relève-t-il.

Une fois de plus, le gouvernement a manqué l’occasion de reprendre pied dans cette partie de la capitale qu’il n’arrive plus à contrôler. Et aujourd’hui les nouveaux maîtres des lieux, c’est les commerçants qui sont mus par l’instinct de survie face à l’oppression des groupes d’autodéfense.

Ces évènements révèlent l’étendue des lacunes des structures centrafricaines de renseignements. Un bon renseignement technique et humain aurait permis de détecter l’action très tôt et de neutraliser les criminels dans cette partie depuis fort longtemps. Mais nos services de renseignements ont été créés dans le but principal de surveiller les opposants, les syndicalistes, les étudiants – et souvent des journalistes locaux ou de passage.