Depuis plus de vingt ans, le projet Simandou est présenté comme un levier majeur pour l’économie guinéenne. Avec le lancement de la production de minerai de fer, Conakry se doit de garantir que les revenus générés contribuent réellement à la réduction de la pauvreté et des inégalités.
Le 11 novembre 2025, la Guinée a officiellement démarré l’exploitation de Simandou, l’une des plus grandes réserves mondiales de minerai de fer. Selon le FMI, ce projet pourrait accroître le PIB guinéen de 26 % d’ici 2030 et doubler la valeur des exportations minières. Le programme « Simandou 2040 » illustre l’ambition de Conakry de transformer cette manne minière en développement durable, mais cette transformation dépendra d’une gestion rigoureuse des revenus.
LA SUITE APRÈS LA PUBLICITÉ
La veille du lancement, des fragilités de la gouvernance minière ont été rappelées. Le Conseil national de transition (CNT) a souligné que 100 millions de dollars, versés par le groupe sidérurgique chinois BAOWU pour entrer dans le projet, n’apparaissent toujours pas dans les comptes publics. La Commission du Plan et des Finances exhorte les départements concernés à régulariser cette situation et à verser les fonds au Trésor public.
Un précédent à considérer : la bauxite
Le minerai de fer de Simandou, titrant 65 % de fer, peut positionner la Guinée sur le marché premium de l’acier bas carbone. Pourtant, le pays s’est déjà illustré avec la bauxite, dont les réserves sont les plus importantes au monde. Cette filière représente 44 % des exportations minières et contribue significativement au PIB et aux recettes publiques.
Pourtant, malgré cette richesse, la bauxite n’a pas permis de réduire significativement la pauvreté. Entre 2019 et 2024, le taux de pauvreté a augmenté de 7 points, ajoutant 1,8 million de personnes supplémentaires sous le seuil de pauvreté. Les risques de corruption observés dans la filière bauxite : favoritisme, manipulation des volumes et prix, collusions fiscales et interférences politiques, pourraient se reproduire avec Simandou sans réforme profonde de la gouvernance minière.
Simandou 2040 : vers une croissance inclusive
Le programme Simandou 2040 vise à inscrire le projet dans une stratégie de transformation économique plus large, en orientant les revenus vers l’agriculture, l’industrie alimentaire, l’éducation, les infrastructures, les technologies, l’économie et la santé. L’objectif est de convertir la rente minière en productivité, emplois et infrastructures pour réduire durablement la pauvreté.
Les institutions financières internationales saluent l’initiative mais restent prudentes. Selon le FMI, la croissance et la réduction de la pauvreté dépendront de l’investissement ciblé des revenus miniers. La Banque mondiale estime que les recettes pourraient représenter 17,3 % du PIB en 2030, mais souligne que l’impact transformateur dépendra de la capacité de l’État à convertir cette rente en emplois et développement durable.
Entre ambition et prudence, un message est clair : Simandou ne pourra améliorer le bien-être des Guinéens que si la gouvernance est irréprochable et les revenus investis dans les besoins réels de la population. Sinon, le pays risque de répéter les écueils de la bauxite et de renforcer la dépendance à une rente volatile.
