Face à la vulnérabilité énergétique du Burkina Faso, le solaire s’impose de plus en plus comme une réponse stratégique, à condition de lever les freins techniques et économiques.
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Alors que le Burkina Faso importe près de 49 % de son électricité et que plus de 90 % des zones rurales restent non connectées au réseau, l’accès à une énergie solaire fiable et abordable devient un défi de souveraineté. Le solaire, source modulable, propre et disponible localement, apparaît comme une option incontournable. Mais entre potentiel et réalité, des obstacles majeurs subsistent. Pourtant, si les conditions sont réunies, cette énergie pourrait devenir un puissant moteur de développement.
Des freins persistants
Sur le plan économique, le solaire reste coûteux à l’achat. Les panneaux, batteries et onduleurs représentent un investissement souvent inaccessible pour les ménages modestes, les communes rurales ou les petits commerces. Les mécanismes de financement, quant à eux, restent faibles ou mal adaptés.
Autre difficulté majeure : la dépendance aux importations. Matériel solaire, pièces de rechange ou services spécialisés viennent souvent de l’étranger, allongeant les délais et augmentant les coûts. Le manque de techniciens formés localement complique encore la donne. Faute de compétences disponibles, les utilisateurs se tournent soit vers des prestataires onéreux, soit vers des installations approximatives, aux conséquences parfois graves : pannes, risques électriques, ou perte de production.
S’ajoute à cela un marché envahi par des kits solaires bas de gamme, vendus sans encadrement ni suivi. Cela nuit à la crédibilité du secteur. Résultat : le solaire est parfois perçu à tort comme une solution fragile ou inefficace. Ce scepticisme freine son adoption.
Un potentiel pourtant stratégique
Malgré ces contraintes, le solaire reste l’option la plus viable pour de vastes zones du territoire. Le Burkina Faso bénéficie d’un des potentiels solaires les plus élevés d’Afrique, avec plus de 300 jours d’ensoleillement par an. Ce gisement, peu exploité à ce jour, représente une ressource stratégique. Il permettrait de réduire la dépendance énergétique du pays, et de limiter les effets de la volatilité régionale, notamment en cas de tensions diplomatiques ou de crise du marché.
Dans les zones rurales, le solaire décentralisé (kits autonomes, mini-réseaux, pompes solaires) offre une alternative réaliste à l’extension coûteuse du réseau. Il permet l’accès rapide à des services essentiels : éclairage, eau potable, réfrigération de médicaments, alimentation de centres de santé ou d’écoles.
Un levier de transformation économique
Contrairement aux barrages ou aux centrales thermiques, les installations solaires se déploient rapidement. Cela en fait une technologie agile, idéale pour accompagner l’industrialisation progressive du pays.
Le solaire crée aussi un écosystème économique nouveau. De la vente de kits à leur assemblage local, en passant par l’installation ou la maintenance, toute une filière professionnelle est en train d’émerger. Dans les villages, l’électricité alimente désormais des ateliers de soudure, moulins à grains, ou encore des centres de services numériques.
Cette dynamique crée aussi des opportunités de formation pour la jeunesse. Plusieurs universités et écoles burkinabè intègrent désormais des modules spécifiques sur l’énergie solaire, comme l’Université Joseph Ki-Zerbo avec son projet PV2H. À terme, les jeunes Burkinabè pourraient devenir les véritables acteurs de cette transition.
Un secteur attractif pour les investisseurs
De nombreux projets structurants témoignent de l’intérêt croissant des bailleurs de fonds. La centrale de Zagtouli (33 MWc) ou celle de Kodéni à Bobo-Dioulasso (38 MWc) ont vu le jour grâce à des investisseurs internationaux comme Africa Ren.
Selon un rapport PwC/Masdar (2023), l’Afrique de l’Ouest pourrait attirer plus de 100 000 milliards de francs CFA d’investissements dans les énergies renouvelables d’ici 2050, dont une majorité dans le solaire. Le Burkina, de par son ensoleillement, son besoin urgent et sa volonté politique, est bien positionné pour capter une partie de ces flux.
Vers un mix énergétique plus équilibré
Le solaire ne doit pas être vu comme une solution miracle. Il ne remplacera pas seul le thermique, l’hydraulique ou le réseau classique. Mais dans une stratégie de mix énergétique diversifié, il joue un rôle central. Il apporte souplesse, rapidité, et adaptation au terrain.
Son succès dépendra toutefois de conditions claires : régulation du marché, soutien aux formations, contrôle qualité, financements accessibles, infrastructures logistiques adaptées.
Le solaire au Burkina Faso représente bien plus qu’une solution technique. C’est un choix stratégique, capable d’améliorer l’accès à l’énergie, de renforcer la souveraineté nationale, de générer des emplois et de soutenir une croissance locale inclusive. Il reste désormais à dépasser les freins qui entravent son développement. Si ce pari est réussi, le solaire pourrait bien devenir le moteur silencieux de la transformation économique du pays.

