Au-delà d’un litige fiscal, le Mali affirme sa volonté de reprendre le contrôle de ses ressources naturelles, dans un contexte de redéfinition des rapports entre États africains et multinationales.
Le 8 juillet 2025, le Mali s’est présenté devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) pour affronter le géant minier canadien Barrick Gold. En toile de fond : un différend autour du complexe aurifère de Loulo-Gounkoto, cœur battant de l’économie extractive malienne. Mais au-delà des chiffres et des procédures, cette affaire révèle un tournant stratégique dans la posture du Mali face aux acteurs économiques internationaux.
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Un différend qui dépasse les chiffres
Selon les éléments portés à la connaissance du public, le différend porte sur un redressement fiscal de plusieurs centaines de millions de dollars réclamé par l’État malien à la société Barrick Gold. En effet, le géant canadien, opérant depuis plus d’une décennie sur les sites de Loulo et Gounkoto, conteste cette exigence devant l’arbitrage international, arguant du respect de ses engagements contractuels.
Pourtant, le Mali, de son côté, affirme sa légitimité à faire appliquer le droit fiscal national, et à corriger des déséquilibres historiques liés à certains contrats miniers hérités du passé.
Loulo-Gounkoto : enjeu stratégique
Le complexe Loulo-Gounkoto représente l’un des plus importants pôles de production aurifère du pays, avec des retombées économiques et sociales considérables. Dans un pays où l’or représente près de 75 % des recettes d’exportation, chaque site d’exploitation devient un levier vital de souveraineté.
C’est ce que rappelle implicitement la démarche malienne : il ne s’agit pas uniquement d’un litige sur des montants, mais d’un signal politique affirmant que les richesses du sous-sol doivent désormais être gérées dans l’intérêt des peuples.
Un tournant juridique : la figure de Diamana Diawara
Dans ce dossier, une figure retient l’attention : celle de Diamana Diawara, juriste malien reconnu, qui représente l’État dans cette procédure. Formé aux meilleures écoles de droit africaines et européennes, il incarne une nouvelle génération d’experts décidés à défendre les intérêts africains sur les scènes internationales.
Sa présence devant le CIRDI est aussi symbolique : elle marque la volonté du Mali de professionnaliser sa riposte juridique, de s’appuyer sur des compétences nationales, et de ne plus subir les arbitrages sans faire valoir sa pleine capacité de défense.
Repositionnement régional et aspiration souverainiste
Ce bras de fer s’inscrit également dans un contexte plus large. Depuis leur retrait progressif des alliances régionales dominées par d’autres puissances, les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Burkina Faso, Mali, Niger – cherchent à renforcer leur souveraineté économique, judiciaire et militaire.
Le recours au CIRDI est donc une étape de cette transformation : au lieu de se retirer du système international, le Mali choisit d’y faire entendre sa voix, d’en maîtriser les règles et d’en utiliser les leviers pour redéfinir sa place.
Une affaire suivie de près sur le continent
De nombreux observateurs africains suivent ce procès avec attention. Il pourrait faire jurisprudence dans les années à venir, et inspirer d’autres pays souhaitant réexaminer leurs contrats extractifs ou réaffirmer leur autorité fiscale. Sans tomber dans la confrontation idéologique, le Mali semble ainsi poser une question centrale : les règles internationales d’investissement peuvent-elles s’appliquer sans brimer les droits des États à maîtriser leurs ressources stratégiques ?
Le contentieux entre le Mali et Barrick Gold dépasse les contours d’un désaccord fiscal. Il cristallise les aspirations d’un État à mieux contrôler ses richesses naturelles, à redéfinir sa relation avec les grandes entreprises, et à s’affirmer dans les espaces juridiques internationaux. Ce moment marque peut-être une inflexion durable dans les rapports entre les États africains et les multinationales du secteur extractif.
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