Politique




RCA : à l’ONU, la France fait des concessions à la Russie sur l’embargo militaire

Le Conseil de sécurité a voté pour l’allègement de la suspension de certaines armes, instaurée en décembre 2013, et autorisé,…

Le Conseil de sécurité a voté pour l’allègement de la suspension de certaines armes, instaurée en décembre 2013, et autorisé, entre autres, la livraison de blindés armés.

« C’est avec déception que la République Centrafricaine a accueilli la décision du Conseil de Sécurité des Nations-Unies du maintien de l’embargo qui pèse sur nos forces de défense et de sécurité », a estimé le porte-parole de la présidence centrafricaine, Albert Yaloké Mokpeme. Vendredi soir 31 janvier à New York, le Conseil de sécurité a pourtant voté l’allègement de l’embargo instauré en décembre 2013 et a autorisé, entre autres, la livraison de blindés armés à ce petit pays d’Afrique centrale. De plus, un expert devait être dépêché lundi 3 février pour examiner l’application de l’accord de paix signé le 6 février 2019 entre Bangui et quatorze groupes armés.

En fait, c’est avant ce vote que le sujet a fait couler le plus d’encre. Des voix favorables à la levée des sanctions se sont à nouveau élevées sur cette zone d’Afrique centrale où le sentiment antifrançais est en partie nourri par la volonté de Paris d’empêcher la dissémination des armes. La semaine dernière, la « une » de Centrafric Matin s’interrogeait sur ce « Que veut réellement la France de ce pays et de son peuple ? Le génocide ? » et le site du journal Ndjoni Sango estimait, lui, que « la France décide de maudire la RCA par tous les moyens ». Des critiques qui avaient eu tendance à s’atténuer ces derniers temps, après les fortes tensions diplomatiques suscitées par l’irruption de la Russie sur l’échiquier centrafricain en 2018.

Une situation trop instable

Si Bangui s’est ému, c’est dans les couloirs de l’ONU, à New York, que s’est joué le vrai lobbying. Là, de l’avis général, le combat a été rude. La nouvelle levée partielle de l’embargo, qui fait suite à une première en septembre (date à laquelle les livraisons d’un certain type d’armes ont été autorisées), représente une vraie concession pour la France, rédactrice du texte soumis au vote. Estimant la situation sur le terrain encore trop instable, le pays auteur de la résolution, conscient que de nombreux membres du Conseil de sécurité partageaient sa vision, pensait bien reconduire l’embargo tel qu’il avait été formulé en septembre 2019. Mais c’était compter sans le lobbying russe.

A quelques jours du vote, la Russie a proposé un contreprojet de résolution, allant dans le sens du gouvernement centrafricain. Démarche « vraiment pas honnête », estime un diplomate européen à New York, à l’heure où les Forces armées centrafricaines (FACA) commencent à reconquérir le territoire national dans ce pays de cinq millions d’habitants qui avait basculé dans une profonde crise politico-militaire en 2013 après la prise de la capitale par une coalition de groupes armés – la Séléka.

Si la situation s’améliore depuis l’accord de paix du 6 février 2019, reste que les fonctionnaires, encore trop peu nombreux à l’intérieur du pays, ont besoin d’une sécurisation des zones pour se réinstaller. Or, les forces de sécurité qui accompagnent cette reconquête sont formées par l’Union européenne et, aussi, depuis 2018, par des « instructeurs privés » russes dans le cadre d’un accord de coopération militaire signé avec Moscou.

Des compromis de la France

La levée partielle, à plusieurs reprises déjà, de l’embargo onusien a donc permis de les équiper en armes et matériels, mais dans une proportion jugée encore insuffisante, alors que le territoire reste en grande partie sous contrôle de groupes qui, eux, continuent de s’armer par des voies illégales. Ce qui explique que beaucoup ne comprennent pas, à Bangui, pourquoi l’embargo n’est pas intégralement levé.

Les négociations new-yorkaises étant « musclées », selon l’avis de plusieurs observateurs, la France a dû jouer le compromis sur les véhicules blindés (ils pourront être équipés d’armes dont le calibre ne dépasse pas 14,5 millimètres) et sur la durée du renouvellement ramenée à six mois, pour ne pas risquer le veto et la levée totale de l’embargo. Le Conseil de sécurité voulait éviter de réexaminer la résolution lors de l’élection présidentielle centrafricaine dont le deuxième tour est prévu pour février 2021. Les Français espéraient même sécuriser l’accord pour quatorze mois. Mais les Russes ont réussi à en fixer l’échéance à l’été.

Après ces compromis majeurs, la représentante permanente adjointe de la France auprès des Nations unies, Anne Gueguen, a « profondément » regretté l’absence d’adoption unanime, la Russie et la Chine s’étant abstenues. Elle a rappelé au passage que « le Conseil de sécurité est pleinement à l’écoute des autorités centrafricaines » dans le domaine de la sécurité et a souligné la nécessité d’une « approche responsable ». Rendez-vous dans six mois.

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