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Sécurité, identité, gouvernance : les défis du nouveau découpage territorial au Burkina Faso

Le Burkina Faso vient de franchir un cap décisif dans la refonte de son architecture administrative. Le 2 juillet 2025,…

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Le Burkina Faso vient de franchir un cap décisif dans la refonte de son architecture administrative. Le 2 juillet 2025, le gouvernement de Transition a adopté deux décrets majeurs : l’un portant changement des dénominations des régions et provinces, et l’autre réorganisant en profondeur le territoire national. Cette réforme marque un tournant, à la croisée des impératifs sécuritaires, de l’affirmation identitaire et de la quête d’une administration plus efficace.

 

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Des explication bien reçu de la part du ministre 

Selon le ministre d’État, Émile Zerbo, cette initiative répond avant tout à des exigences stratégiques de défense. Les trois grandes régions de l’Est, du Sahel et de la Boucle du Mouhoun – représentant à elles seules 43 % du territoire – ont été jugées trop vastes pour une gestion optimale. En effet, dans un contexte de guerre asymétrique contre des groupes armés non étatiques, le découpage hérité du passé montrait ses limites. C’est pourquoi la réorganisation se veut avant tout un outil de résilience territoriale, mais aussi un levier pour la paix.

Dès lors, quatre nouvelles régions voient le jour : le Soum (chef-lieu : Djibo), la Sirba (Bogandé), la Tapoa (Diapaga) et le Sourou (Tougan). À cela s’ajoutent deux nouvelles provinces : Dyamongou (Kantchari) et Karo-Peli (Arbinda). Le pays compte désormais 17 régions, contre 13 auparavant, et 47 provinces, au lieu de 45.

Mais le redécoupage ne s’arrête pas là. Pour la première fois, l’État burkinabè adopte une nomenclature en langues nationales pour toutes les régions. Une rupture symbolique forte : Bankui (ex-Boucle du Mouhoun), Goulmou (ex-Est), Kuilsé (ex-Centre-Nord), Yaadga (ex-Nord), Tannounyan (ex-Cascades), ou encore Guiriko (ex-Hauts-Bassins). Cette volonté de réappropriation culturelle traduit un tournant dans la construction de l’identité nationale. En effet, le lien entre territoire et langage participe de la réconciliation entre l’État et les communautés locales, souvent marginalisées dans les décisions politiques.

 

Une reforme bien pensée en  amont 

Cette réforme n’est cependant pas née en vase clos. Elle trouve son origine dans les consultations menées en 2023 par l’Assemblée législative de Transition. Selon le rapport général, 69 % des forces vives interrogées s’étaient prononcées en faveur d’un nouveau découpage. Ce taux d’adhésion confère à l’initiative une légitimité populaire indéniable, dans un contexte où le tissu social est fragilisé par les déplacements forcés, les violences intercommunautaires et le recul des services publics.

Cependant, des défis considérables restent à relever. Car si la réforme répond à des impératifs de sécurité et de gouvernance, sa mise en œuvre nécessite des moyens financiers, humains et logistiques importants. La création de nouvelles entités administratives impliquera la construction d’infrastructures, la dotation en ressources, la formation de personnel et la gestion des chevauchements de compétences.

 

De nouveaux toponymes qui témoigne de la fierté locale 

Par ailleurs, le choix des toponymes endogènes, salué par de nombreux Burkinabè, pourrait susciter des résistances locales, notamment dans les zones où plusieurs groupes ethno-linguistiques cohabitent. D’où l’importance, selon plusieurs analystes, d’un travail de sensibilisation, mais aussi de dialogue permanent avec les populations. Sans cette pédagogie, la réforme pourrait être perçue comme un acte imposé, et non comme une dynamique collective.

Du point de vue géopolitique, cette réorganisation redéfinit les rapports de pouvoir entre les régions. Certaines, historiquement marginales, gagnent en visibilité et en représentativité. D’autres devront s’adapter à une nouvelle configuration territoriale. Ce rééquilibrage, s’il est bien géré, pourrait atténuer les frustrations régionales et renforcer le sentiment d’appartenance à une nation commune.

L’ancrage de la réforme dans le discours de souveraineté du président Ibrahim Traoré est également à souligner. En misant sur la défense, la culture locale et la proximité de l’État avec les citoyens, cette restructuration vise à redonner confiance aux Burkinabè. Elle s’inscrit ainsi dans une stratégie plus large de refondation de l’État, amorcée depuis 2022.

En somme, ce redécoupage ne constitue pas un simple ajustement administratif. Il s’agit d’un acte politique fort, révélateur d’une vision de long terme. Il associe sécurité, développement local, inclusion culturelle et légitimité démocratique. Toutefois, son succès dépendra de sa capacité à produire des effets tangibles sur la vie des citoyens.

Une période transitoire de six mois est prévue pour opérationnaliser cette réforme. Elle sera déterminante. Car c’est dans sa mise en œuvre concrète que le gouvernement sera jugé. Il lui faudra démontrer que ce nouveau découpage territorial est bien plus qu’une réponse technique : un instrument de paix, de justice spatiale et de reconstruction.

 

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