La Cour Constitutionnelle, après une procédure lancée contre le député Abdou Karim Méckassoua a décidé ce jeudi 12 aout de sa destitution en tant que député de la Nation.
Prévue mercredi 11 aout à 12 heures 00, l’audience publique de la Cour Constitutionnelle en vue de l’examen de la requête introduite par Ibrahim Alhisene Algoni, tendant à la déchéance du député Méckassoua a été reportée au lendemain, sans donner plus des raisons.
En effet, tout est parti du rapport du groupe d’expert de l’ONU sur la crise en Centrafrique du 26 juin 2021. Pendant la période considérée par l’enquête du groupe d’expert de l’ONU, la République centrafricaine est entrée dans une nouvelle phase de crise et les combats ont repris sur l’ensemble du territoire.
En décembre 2020, la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) a été établie, réunissant les groupes armés les plus puissants du pays. La CPC a tenté d’empêcher la tenue des élections prévues le 27 décembre 2020 et ses combattants ont participé à des opérations militaires en vue de prendre le pouvoir. Après l’échec de la prise de Bangui par la CPC le 13 janvier, les Forces armées centrafricaines (FACA), épaulées par des instructeurs russes et des forces rwandaises, ont mené une contre-offensive et ont progressivement repris les principales villes aux rebelles.
C’est dans ce contexte que le nom du député Abdou Karim Méckassoua, ancien président de l’Assemblée nationale sort dans le rapport du groupe d’expert des Nations-Unies. Dans la foulée, la justice centrafricaine lance une procédure contre quatre opposants dont Méckassoua. Ceux-ci sont interdits de sortir du territoire. Après une bataille politique et diplomatique, les mesures ont été levées au lendemain d’une mission de haut niveau de la communauté internationale en Centrafrique.
L’opposant Abdou Karim Méckassoua a été difficilement réélu député de la 2eme circonscription du 3e arrondissement de Bangui, face à Algoni, candidat du parti au pouvoir. Déchu, celui-ci saute sur le rapport du groupe d’experts des Nations-Unies pour lancer une enquête en procédure de destitution contre le député Abdou Karim Méckassoua.
Le rôle de Karim Méckassoua relevé dans le rapport de l’ONU
Dans le cadre de ses enquêtes sur la structure de la CPC, le Groupe d’experts a recueilli des informations sur le rôle de Karim Méckassoua, ancien Président de l’Assemblée nationale et candidat à l’élection présidentielle (voir S/2019/930, par. 40, et S/2018/1119, par. 33).
Au début de l’année 2020, des membres et des individus associés à l’ex-Séléka avaient confirmé́ au Groupe d’experts que Méckassoua poussait les groupes armés et l’entourage de François Bozizé́ à lancer une action militaire pour destituer le Président. Plus récemment, des membres du MPC et du FPRC ainsi que certains acteurs politiques ont expliqué́ que Méckassoua avait participé́ à la préparation de la tentative de coup d’Etat du 13 janvier, en coordination avec Bozizé́ et son entourage, ainsi que Nourredine Adam, Ali Darassa et plusieurs « généraux » du MPC.
Selon ces témoignages concordants et crédibles, Méckassoua espérait diriger un gouvernement de transition si le coup d’Etat de la CPC aboutissait. D’après de nombreux membres de la CPC, après l’échec du coup d’Etat, il a tenté́ de persuader Darassa de faire venir des renforts et de poursuivre l’offensive. Il aurait contacté́ un intermédiaire pour convaincre des mercenaires soudanais de traverser la frontière et de protéger Darassa et ses troupes alors qu’ils avançaient vers Bangui. Les mêmes sources ont indiqué́ que Darassa ne s’était pas laissé convaincre, avait refusé́d’avancer et décidé́de retirer ses troupes.
La méfiance qui régnait entre Meckassoua et François Bozizé́ est l’une des raisons qui a poussé́les éléments anti-balaka basés à Bangui à refuser de participer à l’attaque du 13 janvier (voir par. 24). Bozizé́, à l’instar de son entourage, était convaincu que Méckassoua cherchait à le trahir. Le jour de l’attaque, lors d’une conversation téléphonique, Maxime Mokom a fait part de ces soupçons à un associé de Meckassoua.
Meckassoua a déclaré́au Groupe d’experts qu’il n’avait joué aucun rôle à la CPC, que ce soit au moment de sa création ou lors de ses opérations militaires, et qu’il avait rompu tout contact avec François Bozizé́ après que celui-ci avait établi la coalition. Il a confirmé que l’entourage de Bozizé lui avait imputé la responsabilité́de l’échec de l’attaque du 13 janvier, mais a indiqué qu’il n’avait jamais eu l’intention de prendre le pouvoir par la force.
Une nouvelle crise politique ?
Abdou Karim Méckassoua avait perdu l’odeur de sainteté quand une procédure de destitution a été lancée contre lui en 2018, en tant que président de l’Assemblée nationale. Le motif de détournement de fonds a été brandi alors que des proches de ce dernier évoquaient plutôt sa position contre la montée en puissance de la Russie en Centrafrique, notamment l’octroi des permis de recherche et d’exploitation minière accordés à des sociétés russes en Centrafrique.
Méckassoua rentre dans une période de silence et est accusé à plusieurs reprises de fomenter un coup d’Etat contre le pouvoir de Touadera. Déjà, il a été pointé de doigt accusateur d’être le parrain de la Séléka puis proche de l’UPC de Ali Darass qui a longtemps défié l’autorité de l’Etat dans la Ouaka, la Basse-Kotto et une partie du Mbomou.
Membre de la coalition d’opposition (COD2020) et candidat déchu à la présidentielle de 2020, Abdou Karim Méckassoua a été aussi accusé très tôt d’être le cerveau des bruits de bottes dans le pays, au lendemain des élections. Aujourd’hui en cours de destitution en tant que député de la nation, une nouvelle page de la crise politique va s’ouvrir, dans ce contexte où la Présidence de la République est dans la dynamique d’organiser un dialogue Républicain dans le pays.
La crise politique née au lendemain des élections groupées est loin de terminer. L’opposition réunie au sein de la COD2020 ne reconnait toujours pas la victoire de Touadera, tant bien même qu’elle a accepté de participer au comité d’organisation du Dialogue Républicain. Méckassoua est vu comme une menace pour Bangui et seule la justice pourra déterminer sa responsabilité dans les crises que traverse le pays.